mercredi 1 mai 1996

Nouvelle culture du travail et convivialité

Pouvons-nous penser qu'il y aura chevauchement, sinon dichotomie de valeurs entre l'emploi et le travail des sociétés du prochain millénaire? Pouvons-nous imaginer que le travail et l'emploi ne pourront que devenir distincts? Pouvons-nous d'ores et déjà prédire que le travail, plus que l'emploi, favorisera l'évolution d'une civilisation humaniste? Ce sont là des questions fondamentales auxquelles nous devons nous attarder.

Le texte de Madame Claudette Carbonneau, vice-présidente de la CSN, publié dans les pages du Devoir sous le titre: «L'emploi, source première de solidarité sociale»[1] s'avérait dans la vision restreinte de l'emploi. Le titre en soi provoquait au grand dilemme de cette fin de millénaire: l'émancipation de la classe ouvrière passera-t-elle par le travail ou par la disparition de l'emploi?

Nous sommes arrivés au carrefour où le travail et l'emploi vont provoquer, sinon faire éclater les ambiguïtés reliées aux valeurs. Nos choix portent les conséquences d'un renouvellement où s'inscrit le portrait des déchirures. Tant pour la personne que pour la société. Des choix qui seront de l'ordre des stratégies dans le rapport entre travailleurs/travailleuses et syndicats, entre forces syndicales et patronales, entre les structures d'entreprises face aux mutants de la nouvelle civilisation. Car là se joue un nouveau langage. Langage éthique et de responsabilité. Là où l'individu prend conscience de son lien à la responsabilité personnelle et collective. De ces nouveaux rapports surgiront les pontonniers. Par-delà l'ombre des pontonniers, une nouvelle civilisation du travail, encore informe, porte ses mutants dans l'isolement. Ils sortiront de l'ombre à partir du support des structures.

Les nouvelles conventions sont encore à écrire mais la démocratie pourra obliger à des luttes pour que le dessein prenne corps. Sinon, on continuera d'avancer dans le doute et l'obscurité. Même en perte de ses mémoires du passé. Jusqu'à faire douter de la Science, de l'Art, des Guerres d'un passé humain. L'Argent prenant toute la place, la pensée sera tétanisée et l'héritage forclos.