mercredi 1 septembre 2010

Le Féminisme aura-t-il raison du silence des femmes autochtones?

Ma réflexion est centrée sur le pouvoir politique émanant d’un agenda féministe affichant des priorités. Justement parce que l’écho des prises de positions donne visibilité aux inégalités mais aussi au porte-voix du Mouvement des femmes.

Ces dernières années, et plus particulièrement dans la visée d’une Marche mondiale des femmes, je me suis interrogée quant à l’absence d’un agenda féministe par Femmes Autochtones du Québec (FAQ). Cela même si on tente de projeter l’image d’un même combat féministe pour Femmes Autochtones du Québec et Fédération des Femmes du Québec (FFQ) en renvoyant aux luttes contre la pauvreté et la violence.[1]

Je n’en continue pas moins de m’interroger, et ce, malgré cet article de la Gazette des femmes nous faisant part d’implications de femmes autochtones sur différentes réserves. Il s’avère plus que pertinent de souligner l’étonnement de la journaliste Nathalie Bissonnette par rapport à l’absence de visibilité de ces femmes autochtones élues puisque l’interrogation vient renforcer mon propre questionnement quant à l’absence d’un porte-voix féministe rassemblant les Femmes Autochtones du Québec autour de dénonciations communes. Et ultimement renvoyer à la grande question de l’heure : pourquoi l’absence d’un projet politique féministe autochtone à l’heure où l’émancipation peut servir le peuple et les femmes autochtones ?[2]

Dans la foulée de l’année 2010, année où « Les femmes rechaussent leurs souliers pour l’égalité »[3] il y aurait lieu pour la Fédération des Femmes du Québec de ramener en avant-plan ce qui, par la culture, peut inviter à la soumission.

La question du voile interpelle en ce sens. De même l’absence d’un discours féministe chez les FAQ, puisque leurs dénonciations se font sous couvert du porte-voix féministe de la FFQ, sinon par des organismes ayant des incidences sur les droits humains. Cette absence d’écho d’un discours féministe par la FAQ fait de la communauté des femmes autochtones, d’une part des victimes, et d’autre part des femmes soumises dans le silence.

Ce que signalait dès 1978, Kathleen Jamieson lorsque parlant du retard du féminisme au sein des nations autochtones du Canada.[4] Ce retard m’apparaît d’autant plus évident que nous sommes en 2010, année d’une autre Marche mondiale des femmes, et que Femmes Autochtones du Québec entretient des liens avec la Fédération des femmes du Québec depuis plusieurs années, tout en restant un organisme sans l’écho d’un porte-voix féministe capable de renvoyer au combat élargi des femmes autochtones.



Il faut voir que la prise en charge de dénonciations faisant partie des revendications de la Marche mondiale 2010 est assumée par d’autres instances que la FAQ. Voici deux textes diffusés ces derniers mois.

Tout d’abord par Amnistie internationale dans le cahier des énoncés sur les droits humains: «Nous sommes au cœur des droits humains précaires à travers discrimination, violences, disparitions, assassinats et disparitions de femmes autochtones. Nous sommes au cœur d’une dénonciation de droits non protégés et dont on tente de se décharger à l’aide d’arguments juridiques farfelus.»[5]

Le second texte émane du discours féministe de la FFQ et concerne femmes et enfants de la communauté autochtone. On retrouvera ces énoncés à travers la littérature de la Marche mondiale des femmes 2010 : «Que le Canada signe la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et mette en œuvre les droits qui y sont contenus avec une attention particulière sur les droits des femmes et des enfants autochtones».

Par l’essai de Jamieson, j’aurai beaucoup appris sur l’impouvoir des femmes au sein de la communauté autochtone[6] tout en étant confrontée à des interrogations par rapport à l’absence d’écho d’un féminisme affiché de Femmes Autochtones du Québec. L’essai de Jamieson traite de la reconnaissance identitaire, de l’émancipation des femmes autochtones, de la Déclaration des Droits face à la Loi sur les Indiens, territoire foncier, etc.[7]

La quête de l’égalité que sous-tend la Marche mondiale des femmes 2010 suppose la solidarité du Mouvement des femmes. De même, la projection de défis faisant apparaître les différents courants féministes du Québec. Ce qui englobe l’écho d’un courant féministe renvoyant à Femmes Autochtones du Québec et à la culture identitaire qu’elles défendent avec les hommes à l’heure où les cultures autochtones tentent de s’affirmer.

Il y a quelques mois, j’ai voulu profiter d’un coude à coude, ceux que permettent les parcours et haltes d’une manifestation pour interpeller Ellen Gabriel, porte parole des Femmes Autochtones du Québec. C’était à l’automne 2009, lors d’une Marche pour le droit à l’habitat! En me référant directement aux dénonciations de Kathleen Jamieson, j’y abordai le fait patent des inégalités de la culture autochtone. Tant dans l’attitude que par les mots, Ellen Gabriel, responsable de Femmes Autochtones du Québec, m’a renvoyée au rocher de Sisyphe, à savoir au poids de l’héritage culturel. Ce qui va à l’encontre de gains amenés par le féminisme d’avant-garde, quelle que soit la culture, justement par la pugnacité de femmes ayant favorisé «débats et combats» en laissant trace d’une volonté politique féministe pour la relève.

Quelle que soit la culture, il faut admettre que la longue marche d’émancipation amenée par le féminisme aura raison de ces rapports de forces culturels. Ce qui fait intervenir le questionnement des symboles. Pour la nation autochtone, il s’agit d’un état de soumission déjà dénoncé par la publication de Jamieson en 1978. N’oublions pas son indignation par rapport à l’absence d’un combat féministe au sein de sa culture!

La Marche mondiale 2010 pourrait s’avérer moment phare pour les Femmes Autochtones du Québec par rapport au rattrapage d’une parole féministe.

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[1] Femmes autochtones et femmes québécoises, même combat (Solidaires lors de la marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence), Mythes et réalités sur les peuples autochtones, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2e édition, Québec, 2009, p. 85
[2] Bissonnette, Nathalie, Collaboration unique entre la CSF et le milieu autochtone, La Gazette des femmes, novembre-décembre 2009, p. 32-34
[3] Les femmes rechaussent leurs souliers pour l’égalité, Le Devoir, 8 mars 2010, p. A-3
[4] Jamieson, Kathleen, La femme indienne devant la Loi : une citoyenne mineure, Ministère des Approvi-sionnements, Services Canada, avril 1978. ISBN 0-662-01855-9
[5] Les droits humains au Canada en 2010, Programme relatif aux droits humains à l’intention du Canada, Amnistie internationale – Canda francophone, février 2010, p. 6
[6] Bissonnette, Denise, op. cit. p. 32-33
[7] Jamieson, Kathleen, op. cit. p. 95-101


Publié dans Entr'Autres, Revue littéraire amériquoise, vol. 11 , n° 1-2-3, janv-fév. 2010. http://entreautres.monblogue.branchez-vous.com/2010/08/11#234261

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