Aucune femme n'est à l'abri d'une violence pour peu que le terrain soit favorable à l'agresseur. Je me souviendrai toujours de cette silhouette jeune et athlétique venant vers moi alors que j'étais seule sur la rue. Nous étions de cette période précédant les années 80. Le féminisme nous amenait à reconnaître la nécessité de luttes
collectives autour des violences, mais aussi à se reconnaître le
droit de sortir seule la nuit. Il était près d'une heure du
matin. J'avais refusé l'offre d'un ami voulant me raccompagner
jusqu'à la maison. J'étais à cinq minutes de mon havre quand, de
loin, je pus percevoir la venue d'un marcheur qui, manifestement,
allait bientôt me croiser. Sans afficher la menace, l'homme fera
pourtant intervenir la violence gratuite. Manifestement sobre,
l'homme présentait la démarche athlétique et tranquille de
l'individu au-dessus de tout soupçon. Et pourtant, à quelques
mètres de ma personne, l'attitude de l'individu renvoya à
l'insolite...sans pour autant laisser deviner l'ampleur de l'attaque.
Car, arrivé à proximité, sans un mot, le visage placide, il a
élevé le bras droit. C'est à ce moment que j'ai détecté la
présence d'un colis à sa main droite, lequel servait sa volonté
manifeste d'agression. Et de plein fouet, l'homme m'a frappée d'une
pierre puis...sans un mot a poursuivi sa route. Tout comme lui, je
suis demeurée dans le silence, mais je pleurais abondamment et je
me souviens avoir pensé : « Cet homme déteste sa mère
et toutes les femmes ».
Durant tout ce
temps...la rue était déserte et je ne pouvais imaginer ma
protection autrement que derrière ma porte verrouillée. J'arrivai
à la maison. Le miroir renforça mes pleurs en me révélant
l'entaille d'une plaie nécessitant ultimement suture. Ainsi ai-je
passé la nuit à l'urgence de l'Hôpital Notre-Dame et je ne
déposerai ma plainte auprès de la police que le lendemain.
Ce qui se vit
actuellement à travers la mobilisation contre les crimes machistes
est révélateur du long chemin des femmes pour sortir du pouvoir
subversif intervenant à travers les mailles de la culture machiste.
Car malgré nos luttes, il reste que le harcèlement sexuel
intervient dans les rapports de pouvoir; que sortir la nuit
seule...présente toujours une menace pour la femme! Que la liberté
de la femme à travers son métier reste insuffisant quand, par la
culture machiste, un individu peut s'arroger le droit d'attenter à
la vie d'une institutrice devant ses élèves. Car le machisme est
un rapport de pouvoir qui ne veut pas capituler. (Réf: Les
crimes machistes mis au pilori, Le Devoir – 4 juin 2015 – p.
B5)
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