mardi 18 août 2009

Le Voile et l'absence de courage du leadership féministe

La proposition adoptée par la Fédération des Femmes Québécoises (FFQ) le 9 mai 2009 a relancé le débat sur le voile. On ne saurait faire fi des responsabilités auxquelles devra répondre le féminisme québécois quant à la recherche du sens que veut le virage vers l’État laïque à partir de l’orientation politique désignée comme «lieu de l’homme»[i]. Il s’agit de nous rappeler à la réflexion de Fernand Dumont parlant de la quête du sens par le politique et ce, à travers l’orientation d’une nouvelle communauté politique. Certains feront preuve de courage quand d’autres s’enliseront dans la politique «politicienne»! Ce qui sert l’habileté politique ou le camouflage d’un renoncement qui sauve la face! Quand le féminisme québécois affichait la peur, l’Algérienne Djemila Benhabib renvoyait au courage d’un véritable féminisme, à savoir celui de dénoncer les mythes d’oppression. C’est à cette réalité que nous renvoyait sa dénonciation lors de l’assemblée générale du 9 mai 2009, quand elle s’empara du micro pour une dénonciation devant un parterre féministe englobant la délégation de Présence musulmane et du Congrès islamique. J’admire la noblesse de ces défis affichant la quête du sens tout en brisant avec toutes les ambiguïtés de la politique «politicienne». D’où les mots de Djemila Benhabib renvoyant au symbole d’oppression du voile. Et sur d’autres tribunes, elle ajoutera: «Je pense que Québec solidaire a des positions extrêmement dangereuses par rapport à l’islamisme politique. Je suis très inquiète quand Madame David cède devant les islamistes et prend position en faveur du port du voile. (…) On ne peut pas être féministe au Québec et ne pas l’être ailleurs, et dire : quand l’intégrisme est catholique, je vais le dénoncer mais quand il devient musulman, là on peut s’accommoder.»[ii] Et cette dernière de nous ramener à l’agenda politique de l’État religieux à travers le voile.

J’ai souvenance des années de la Marche mondiale où, malgré les différends pouvant exister entre les femmes de toutes cultures, Françoise David savait nous convaincre du bien-fondé de nos luttes, tout en éduquant les femmes, par delà les divergences du communautarisme, à l’émancipation du sujet politique féminin. Mais voilà que son discours adopte la politique «politicienne» lequel, tout en invoquant l’ouverture, déresponsabilise le «sujet» féminin en le renvoyant à l’insularité du pouvoir patriarcal. La lecture de son blogue (http://www.francoisedavid.com/) nous confronte à des comparaisons outrancières, car si la femme québécoise a vécu l’enfermement à travers le catholicisme, aucune d’entre elles n’aura risqué la mort parce qu’affichant des idées à contre courant de la culture dominante. Le désir d’éviter la division entre les femmes fait de son discours politique un lieu de «maternage» alors que le féminisme convoque le «sujet» féminin aux «droits et responsabilités» de l’État laïque. Le discours de Françoise David est plus qu’inquiétant! Car si le féminisme nous a introduites aux dénonciations du patriarcat, voilà que le discours politique d’une figure de proue du féminisme devient à l’image de ce que nous haïssions, à savoir un discours politique renvoyant la balle pour gagner du temps! Est-ce à dire que la politique «politicienne» corrompt même les féministes?



Tout comme Denise Bombardier, j’estime que ce discours ramenant à la crainte d’un mur entre ces femmes et nous (…) devient une offense à ce que nous sommes devenues au prix de luttes.[iii] Lors d’une entrevue télédiffusée récemment, l’ancienne ministre Louise Beaudoin disait fort justement que la vision du Conseil du Statut de la femme nous ressemble et nous rassemble dans ce besoin d’adopter une politique québécoise de «gestion de la diversité religieuse dans les institutions publiques et d’affirmer la neutralité de l’État en interdisant au personnel de la fonction publique québécoise d’arborer des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de leur fonction.» (http://www.sisyphe.org/)

Je ne cacherai pas mon inquiétude à l’heure de l’élection d’une nouvelle présidente à la Fédération des femmes québécoises en septembre prochain. D’autant plus que l’heure pourrait inviter à l’infiltration des lieux par un parti politique féministe désireux d’asseoir sa culture politique à travers l’influence du porte-voix féministe que représente la FFQ. Si je reconnais les valeurs de Québec solidaire, puisque sans partager ses idées sur le voile j’en suis membre, je n’en exige pas moins l’autonomie de la FFQ. J’aborde d’autant mieux le sujet… qu’il s’agit maintenant d’un secret de polichinelle. Cela dit en tenant compte que parmi les trois candidates briguant la présidence de la FFQ, il s’y trouve la présidente démissionnaire de Québec solidaire. Ce qui m’apparaît tout à fait inapproprié et inquiétant à l’heure où des débats de société se dessinent au sein du Mouvement des femmes, et tout autant au sein de la société civile par l’orientation vers une charte de la laïcité.[iv]

Et de même inapproprié puisque, au premier degré, la Fédération des femmes québécoises et Québec solidaire se doivent d’afficher clairement ce que sous-tend l’émancipation par le féminisme. Cela dit en admettant avec France Théoret que « le féminisme comme action publique est homologué à la politique puisque la collectivité des femmes excède ce que je suis ».[v]

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[i] Fernand Dumont, Le lieu de l’homme, Éditions BQ, p. 263
[ii] Louise Mailloux, Seule la laïcité garantit la liberté, L’Aut’Journal, mai 2009, p.17
[iii] Denise Bombardier, Croix et bannière, 17 mai 2009, p. C-5
[iv] Le Mouvement laïque québécois réclame une charte de la laïcité, Laïcisation: il faut terminer le travail, Le Devoir, 22 mai 2009
[v] France Théoret, Écrits au noir, essai, Éd. Remue-Ménage, p. 97

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