mercredi 23 février 2000

Lettre ouverte à Jean Rochon - Ministre responsable Science et Technologie

Montréal, le 23 février  2000

Lettre au Journal Le Devoir (non publiée)


Monsieur Jean ROCHON
Ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie
Gouvernement du Québec

Objet : Les menaces de la technologie sur la société civile sont aussi menaces sur le havre domiciliaire


 Monsieur le Ministre,
Je m’adresse à vous dans le cadre de  menaces  que génère  l’évolution des technologies.   Tout en se reconnaissant du village global, le citoyen appartient à son milieu socio-communautaire, mais d’abord  à l’intimité d’une famille ou d’un lieu domiciliaire.   Désormais, nul ne pourrait oublier le pouvoir des technologies sur l’espace intime.   Ce qui oblige  à s’interroger sur l’envahissement des territoires que voudra l’évolution des technologies à travers la science.   Un tel questionnement veut aussi faire la distinction entre rapport éthique et lois de nécessités  partagés entre science et humanisme.  Nul doute que des ponts éthiques devront favoriser la progression de la démocratie et de l’humanisme  à travers le développement des sciences. 

Comment ne pas être sensibles aux menaces touchant le territoire que la Charte dit « inviolable »?   Dans les faits, la technologie  est en train de forcer tout doucement les frontières du havre.  Comment fermer les yeux sur les brèches de l’espace dont on perd graduellement la maîtrise?    Je ferai référence à l’usage de la caméra cachée dénoncée par Me Richard Thivierge, membre du Barreau (Le Devoir – 4 février 2000).  Mais il y a d’autres versants tout aussi inquiétants!  Pensons aux formes de dictatures qui, par la technologie,  prennent maintenant le relais dans le milieu des logements.  La caméra est de la partie, voire doublée par  l’outil d’agression interférant à distance.   Indubitablement, le mode d’agression existe!   Évidemment, il s’agit de faits isolés et tus, mais non moins inquiétants.  Réalités d’autant plus troublantes que l’on se retrouve au cœur du droit inaliénable à l’intégrité domiciliaire.   Ultime constat :  l’agresseur y demeure dans  l’impunité par « camouflage » d’identité à travers l’outil.  Car, la technologie le gardera  à distance de toute responsabilité civile tant et aussi longtemps que durera le camouflage par technologie.  Dès lors, demandons nous où est la Justice d’une société de droits si la Justice ne peut intervenir en toute sagesse entre l’agressé(e) et  l’agresseur? 

 Certes l’habitat  se voit piégé sur les frontières immédiates par l’appropriation de certaines technologies accessibles sur le marché et/ou patentées, et ce en dehors d’un code d’éthique.  Le pouvoir pervers qui peut s’installer dans le milieu des logements  pourrait favoriser les déplacements de locataires au détriment des droits.  Ce pouvoir orienté aurait l’avantage de mener des guerres propres ou guerres associées aux nouvelles technologies.   Au sein de nos sociétés civiles, la Justice y perdra son latin à vouloir identifier faits et causes de « guéguerres » susceptibles de s’implanter comme une nouvelle culture.  Sans le dire…on glisserait tout doucement vers des formes de dictatures!  La loi du plus fort aurait le dessus sur les droits de la société civile!

Dans ce qui est déjà là, se retrouve l’urgence d’un débat sur  faits et lieux que la technologie tente d’envahir, et ce,  en déstabilisant les ponts légaux par impuissance.  Sinon, par absence de connaissance sur les nouvelles technologies savantes et/ou patentées.  L’urgence implique d’abord d’ouvrir  des issues à l’information.  Ensuite de construire des ponts  susceptibles de viser les modules de pouvoir s’appuyant sur l’ignorance! 

Que ce soit pour l’homme et la femme de la rue confrontés au pouvoir clandestin d’un individu capable de s’approprier un pistolet émettant des décharges de 300,000 volts (Le  Devoir, 6 janvier 2 000),  que ce soit pour l’usage abusif de la  caméra  (Le Devoir, 4 février 2000)  que ce soit pour les États-Unis dans l’image de règlements de compte au sein des  écoles américaines,  que ce soit à Londres pour la férocité intervenant sur les marginaux, que ce soit  pour la dictature appliquée au Kosovo, il existe un danger sur le plan de l’absence d’éthique face aux  technologies, à savoir :    l’appropriation de droits sur l’autre à travers  le pouvoir des technologies.

Vous l’aurez remarqué, Monsieur le Ministre, lors d’un  remaniement ministériel, on a vu dans vos responsabilités nouvelles l’effet d’un simple   «prix de consolation »  à savoir la prise en charge d’un petit Ministère intégrant des responsabilités grappillées ailleurs » (La Presse, Lysiane Gagnon, 22 décembre 1998).   Parmi toutes ces responsabilités relevant de votre Ministère, il en est une que j’élève au niveau des grandes valeurs  puisque reliées aux droits de la personne. 

Par contre, Monsieur le Ministre, je vous reconnais l’ultime devoir d’un agenda appelé vers deux priorités.  L’une porte sur l’éducation du grand public; l’autre sur l’élaboration d’un code d’éthique susceptible d’ouvrir aux solidarités dans l’évolution de la société québécoise. D’où la nécessité d’intervenir sur l’horizon de ponts légaux liés aux logements.  L’appariement éthique aurait l’avantage de favoriser de nouvelles grilles tout en libérant l’information d’un pôle à l’autre. 

Par cette lettre, Monsieur le Ministre, j’ai voulu intervenir comme plume responsable susceptible d’inviter le Ministre de la Science et de la Technologie à se pencher sur des faits troublants et capables de fossoyer la démocratie et l’humanisme de toute société.

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