mercredi 14 novembre 2001

L’Information servira-t-elle la société civile

La société civile et la liberté
La révolution technologique a augmenté le pouvoir des sociétés civiles par l’accès à l’information. Cela dit en tenant compte du principe faisant de tout individu informé un «être libre». Bien sûr, trop d’informations confronte à des risques…notamment au partage du pouvoir sinon à l’absence de contrôle, voire même au risque de lassitude par «overdose». Arrivé à ce stade ou l’excès devient un empêchement, les choix sont peu probants. Toutefois, il devient possible d’affirmer que la société civile d’une démocratie a des moyens qui sont politiques et que l’information dont elle dispose fut longtemps considérée documents privilégiés d’une caste politique réduite.

En somme, nos sociétés civiles sont de plus en plus rejointes, politisées et susceptibles de concertation. Ce qui laisse de l’espoir pour l’évolution de la démocratie. Car, les sociétés civiles seront incitées à se reconnaître dans le double statut du citoyen planétaire, tant par l’information véhiculée par les médias que par le rapport aux enjeux et solidarités qui se manifesteront à partir des syndicats et organismes internationaux. Déjà, on sollicite la société civile autour d’enjeux touchant les mutations du travail, enjeux économiques de concurrences inter territoriales, enjeux des mouvements de main-d’œuvre, enjeux de la régulation de l’économie et de la circulation des capitaux, etc. Des publications sont à la disposition du grand public à partir de l’agenda d’organismes comme ATTAC, etc.[1]

Voici la définition que nous donne une source de premier plan quant au terme énoncé: «La société civile est l’ensemble des rapports inter-individuels, des structures familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l'intervention de l'État.»[2]

Si la révolution technologique a fait éclater l’information de toute part, sans pour autant favoriser l’émergence de grands leaders, il reste que le profit de l’éclatement des réseaux d’information va servir planétairement la société civile. De fait, l’éclatement a provoqué l’ouverture d’une conscience politique de plus en plus affirmée chez les civils.

Lors d’une conférence toute récente, l’écrivain français Alain Touraine s’est servi du drame américain pour faire l’illustration de l’aliénation gagnant les sociétés civiles face aux dévastations du discours capitaliste de la dernière décennie. Par son exposé, il démontrait la volonté primordiale du capitalisme, lequel cherche la rupture de tout lien entre «l’économie, le politique, le social, les idéologies».

A partir de 1984, comme ils n’étaient plus en guerre froide, les États-Unis eurent tout loisir d’affirmer la suprématie du discours capitaliste. Selon Touraine, il y eut dès lors augmentation des inégalités sociales, des inégalités entre les États, puis vint l’augmentation des exclus dont 15% en Occident, et 50% dans les pays émergeants dont plus de 80% en Afrique. Sans ouvrir sur l’aspect des crises locales (…) Touraine fit la démonstration de facteurs clés et maux découlant d’un capitalisme sauvage ayant comme intentions première de «faire de l’argent» tout en «désocialisant».

L’avenir de nos sociétés civiles sera-t-il humaniste ou post-humaniste?
On peut s’interroger sur l’avenir de l’Occident tout autant que pour celui de l’humanité? L’humain serait-il condamné à s’autodétruire? La science ouvre à différentes perspectives, tant par les armes que par l’ouverture au clonage et surhommes. Pensons seulement au discours scientifique post-humaniste dont la thèse fait l’éloge d’un certain pouvoir à travers les surhommes. La communauté du post-humanisme confronte au «zoo humain» contrôlé par des surhommes.[3]

Les sociétés devront tirer quelques leçons de l’attaque du 11 septembre, et plus particulièrement quant aux liens qui feront évoluer les sociétés humaines. Déjà, Touraine fournit trois éléments de réponse quant à l’avenir des occidentaux :
  • ils sont de plus en plus vulnérables;
  • ils découvrent que les États-Unis sont vulnérables;
  • ils constatent la fragilité d’un système mais aussi l’interdépendance des humains.
Pour ma part, je continue de croire à l’évolution de l’humanisme, tout en ayant conscience que la «noosphère» de Teilhard de Chardin aura été «un grand rêve humaniste»! Un grand rêve qu’il faut continuer d’alimenter à travers le renouvellement de l’humanisme.

Ce renouvellement sera exigeant de la volonté politique éthique des sociétés civiles. Chacun de nous sera invité à travailler au développement des valeurs humanistes tant localement que planétairement.

Indéniablement, l’avenir de l’humanité semble lié à l’éthique et au politique. Et j’ajouterai maintenant que l’évolution de l’éthique et du politique ne saurait advenir sans une progression de la conscience politique des sociétés civiles. Sinon, l’inconséquence conduira les sociétés humaines vers la soumission et au profil du post-humanisme.

Rien ne sera facile quant à l’évolution des sociétés humanistes. Cela dit en reconnaissant que l’humain, tel Sisyphe sur son rocher, semble voué à vivre l’éternel recommencement. Cela dit en rappelant que l’humain ne peut se sauver qu’en sauvant tous les hommes. Et l’espoir vient tout naturellement des mémoires de l’humanité, puisque l’homme de Neandertal nous renvoie à la progression.


[1] « Enquête au cœur des multinationales », ATTAC, page 81, Éditions Mille et une nuits.
[2] Chevrier, Marc, « Une grande oubliée : la société civile – Essai de définition avec Tocqueville », L’Agora, juillet 1999.
[3] « Qu’allons-nous faire de notre espèce? Un humanisme à refonder », Le Monde diplomatique, février 2000.



Publié dans Visions Voisins, vol. 8, no 9, 27 novembre 2001.

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