Cette journée du 8
mars 2012 invite à un regard inquisiteur sur le féminisme. Ma
perception de féministe s’est étoffée par le militantisme
terrain doublée de la fréquentation des grandes figures du
féminisme. Je pourrais citer de multiples femmes ayant participé à
mon éducation, car les influences sont multiples. Le langage de
France Théoret reflète à la fois l’image du féminisme
intellectuel et terrain par cette phrase : « Le
mouvement féministe repose sur une expérience, le passage du privé
au public ». (…). « Le féminisme est un horizon sur
la société et la politique, comme toute expérience intellectuelle
appelant le goût de la connaissance. » i
Ce regard sur le 8
mars restera superficiel tout en rappelant aux grandes idées du
féminisme à travers l’implication personnelle ou collective. Au
fil du temps, tant les femmes que la société civile perçoivent la
volonté politique du féminisme pour l’égalité hommes-femmes tel
un pont pouvant conduire à un monde meilleur, voire à un monde
sans guerre!
Les archives
québécoises font état d’une réflexion féministe quant à
l’idée d’une société sans guerre dès les années 60. Preuve
nous en est donnée par cette rencontre d’avant-garde relatant
l’ordre du jour d’une soirée du 8 mars 1960. Dans les faits, on
y traitait de paix et désarmement à partir du rôle exercé par
quelques femmes de l’élite québécoise. C’était l’époque où
Simonne Monet-Chartrand revenait d’une mission de paix avec la
Délégation canadienne dans 11 capitales d’Europe. Dans son récit autobiographique, elle affirme :
« il était
de la volonté des femmes de l’époque quant à l’idée
d’entreprendre des revendications politiques pour que notre pays
soit déclaré zone libre de toute arme nucléaire, pour que les
dépenses militaires soient diminués et que ces fonds servent à des
fins pacifistes (santé – éducation – etc.) ». ii
Malgré la mise sur
pied d’un comité Femmes et mondialisation au sein de la Fédération
des femmes du Québec, comité dont je suis membre depuis plusieurs
années et dont la préoccupation est liée au développement de la
mondialisation, de même à l’idée d’une société sans guerre,
on note les difficultés à faire apparaître l’image négative du
Canada face à ses positions à l’échelle internationale. Le
féminisme est d’une nécessité absolue pour l’évolution d’un
monde sans guerre, mais il reste que la faiblesse du féminisme
pourrait s’avérer l’écart entre l’intelligentsia et
féminisme « terrain ». Ce qui fait que l’éducation
populaire n’arrive pas à donner sens à des prises de position
féministe qui rejoindrait la société civile.
En rapport avec
l’idéal d’une société civile proche des positions
gouvernementales, la réflexion d’un éditorialiste rattaché à
la politique internationale renvoie à l’écart pouvant exister
entre une société civile et le pouvoir politique en place:
L’armement
produit un nombre politiquement préoccupant d’emplois et de votes.
Il est futile de rappeler que les États-Unis sont les premiers
vendeurs d’armes au monde et que le premier vendeur d’armes est,
presque inévitablement, celui dont les emplois dépendent le plus de
cette sinistre et gloutonne industrie. Rappelons quand même que les
États-Unis occupent ce premier rang et gonflent leur avance sur les
autres marchands de canons de relevé en relevé. Comme le budget
militaire étatsunien équivaut aujourd’hui au total des dépenses
consenties par les quinze ou vingt pays suivants, on imagine à quel
point l’emploi militarisé pèse lourd dans les élections
américaines. En ce sens, un président américain ne maîtrise
jamais parfaitement le cheval sur lequel il caracole et la
substitution d’un cavalier à l’autre ne change pas
nécessairement grand-chose aux fonds de l’animal. iii
N’oublions pas que
tout ce qui intervient à travers le quotidien peut avoir une
influence réelle sur les politiques gouvernementales. France
Théoret fait un rapprochement quant à l’évolution des femmes du
Québec à travers l’émancipation amenée par le féminisme, et
plus particulièrement, lorsqu’elle signale que « le
mouvement littéraire articulé autour du féminisme est né d’une
culture laïque voulant la reconnaissance efficiente de l’existence
de deux sexes. iv
La bataille pour
l’égalité fera partie des défis tant et aussi longtemps qu’il
y aura inégalité entre les hommes et les femmes. L’idée
d’égalité ne peut que renvoyer aux mutations amenées par la
laïcité avec les années 60. Toutefois, la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne (dont l’article 50.1 et le
préambule) introduit le droit à l’égalité entre les femmes et
les hommes et la liberté religieuse. v
Madame Christiane Pelchat admet d’emblée que « la voie
est parsemée d’embûches ». Ce qui fait de la question
du voile un « lieu de réflexion » à travers débats en
vue de balises ayant des incidences sur l’égalité hommes-femmes,
et de même sur l’exercice de la liberté de la personne au sein
d’une société pluraliste.
Ces luttes
demanderont un certain courage. Il faut se rappeler qu’une
féministe comme Thérèse Casgrain a mené un combat ferme, malgré
l’idée de division au sein du mouvement des femmes. De fait, les
archives prouvent que, consciemment, elle fit le choix de vivre
cette division dans le but de servir la cause du Mouvement des
femmes à travers des principes idéologiques. C’est pourquoi
elle écrira : « c’est à cette condition qu’un
discours féminin autonome pourra émerger ». vi
Je rappellerai que son discours avait été devancé par l’audace
d’une autre féministe, à savoir par Simone Monet-Chartrand, qui,
en 1940, se présenta devant l’Épiscopat en vue de les saisir
des besoins d’une spiritualité vraiment laïque. vii
CONCLUSION :
Le
féminisme a lancé un processus de réflexion concernant les 20
dernières années du Mouvement des femmes. La mise en branle en
2011 aboutira aux états généraux du féminisme devant se tenir en
2013. Ce processus devrait avoir un réel impact, et plus
particulièrement si la liberté d’expression en fait un lieu de
débats non contrôlé par l’intelligentsia. L’enracinement
terrain est à ce prix.
Rappelons
qu’en 1975 le Mouvement des femmes projetait de grands thèmes de
réflexion et d’action…lesquels thèmes demeurent d’actualité.
Ces thématiques portaient sur : le
corps, le travail, la parole et le pouvoir. viii
Cette référence tient compte de la volonté politique du
féminisme de l’heure à travers :
- L’émancipation de la femme face au patriarcat;
- L’autonomie de la femme à travers le corps;
- Le décloisonnement des violences à travers les rapports de forces
- L’éducation citoyenne permettant de faire des liens entre démilitarisation – industrie de l’armement – transfert de l’économie et monde de paix.
Bonne
fête du 8 mars à tous et toutes!
i
Écrits au noir – France Théoret – Ed. Remue Ménage – Ed.
2009 – p. 100
ii
Ma vie comme rivière – Autobiographie – Tome 3 – Ed.
R-Ménage -S.Monet-Chartrand- (pp. 315-316)
iii
Les enfants de Winston – Essai sur la jovialité – Laurent
Laplante – Ed. Anne Sigier 2003 (p. 51)
iv
Écrits au noir – France Théoret – Ed. Remue Ménage – 2009
– p. 65
v
Pour une pleine participation des femmes à la société (Christine
Pelchat présidente du Conseil du statut de la femme – Gazette des
femmes – janv-fév 2011, p. 5).
vi
L’Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles –
Collectif Clio – Ed. Quinze – pp. 453-454
vii
Ma vie comme rivière – Autobiographie – S. Monet-Chartrand –
Ed. R-Ménage – Tome 3 (pp. 47-48)
viii
L’Histoire des femmes au Québec – Collectif Clio – p. 494