mardi 1 octobre 2002

Maternitude

 Marternitude...par delà la figure politique de Jacqueline Dugas


Publication – Revue Entr’Autres – Vol. 3, no 4,  p. 22, Octobre-décembre 2002.

A l’heure des bilans qu’impose la mort, je vois la pertinence de poser quelques interrogations sur l’âme patriote qui nous a quittés.  Allons tout d’abord aux interventions politiques, lesquelles ramènent à la double identité, à savoir l’identité de la personne…mais aussi l’identité d’un peuple.

vendredi 13 septembre 2002

Cession de bail et vide juridique

Dans un jugement rendu le 8 août dernier, la Régie du logement statuait sur la cession de bail entre locataires. Il s’agit du jugement de Maitre Hurlet, lequel vient contredire la décision de la Cour du Québec dans non-reconnaissance du droit de cession d’un locataire envers la personne de son choix. Ce jugement dit explicitement que «La sous-location ou la cession de bail ne donne pas le droit à un locataire de choisir lui-même la personne qui va lui succéder dans les lieux si le locateur préfère mettre immédiatement fin à la relation contractuelle».1

Voilà pour le jugement de Me Hurlet. Il faut se rappeler que la cession de bail fut instaurée au Code civil du Québec en 1994 tout en restant un phénomène sans assise profonde. Le jugement de Me Hurlet fait intervenir l’intention de vengeance du locataire. J’approuve d’autant la décision rendue que la cession de bail aura souvent servi l’exercice de vengeance par le cessionnaire. Bref, ce qui semble un transfert de location peut servir un pacte de violences.

Que ce soit par la plume ou par des ateliers et conférences, depuis quelques années j’interviens auprès de femmes violentées en logements. Toutes ont vécu la polymorphie du harcèlement (psychologique-moral-physique) doublé de l’isolement auquel renvoit le jugement de la Régie. Car, par le parjure, la victime perd tout support. Ainsi, à l’image du personnage du film Irréversible, l’aide extérieure s’éloignera afin d’éviter de se commettre.

Il est connu que les luttes militantes féministes ont précédé la jurisprudence concernant la criminalisation du viol. Il devra en être de même pour les logements. Jusqu’à maintenant les violences y sont perçues comme réalité tribale entre locataires. Cette vision ne peut que se transformer avec les transformations de valeurs et des profils de violences. Ajoutons à ce qui vient d’être dit: croissance de la pauvreté et du chômage et pénurie de logements.

Depuis l’automne 2000, c’est-à-dire depuis les ateliers de La Marche mondiale des femmes, les attendus d’une pétition ont été déposés auprès de la Présidente de la Régie du logement. Il s’agissait d’une première démarche collective pour amener les structures à voir la violence en logements dans ses multiples facettes. Par ailleurs, d’autres démarches m’ont fait intervenir auprès de la Justice, de la Police, de Services sociaux et Comités logements, voire auprès d’instances nettement plus politiques, par exemple la députée de Mercier de qui j’anticipe l’appui.

Le travail de réflexion continue de s’alimenter en tenant compte du travail de terrain par les ateliers. Cela dit en admettant que la lutte est exigeante de temps et de patience Dans l’aspérité de leurs luttes respectives, certaines femmes arrivent à prendre une distance avec ce qu’elles vivent pour ramener la lutte dans une vision agrandie.

Le jugement de Me Hurlet m’est apparu tel l’indice d’une percée quant aux transformations de la jurisprudence, plus particulièrement quant aux profils de violences qui mériteraient d’être reconnus dans l’orbe de l’acte criminel.

Je rappelle ma suggestion à la Présidente de la Régie du logement et dont le contenu se retrouve dans la publication du printemps 2001, plus spécifiquement quant au suivi long-terme de certaines violences.2 Un tel modèle d’encadrement pourrait être mis en application dans le but de faire intervenir des professionnels de la Régie et de Services sociaux du Québec dans un dossier cheminant selon plusieurs étapes juridiques. Bien sûr, le suivi long-terme ne saurait venir sans la refonte de la jurisprudence propre aux logements.

Cela dit en acceptant toute l’importance de l’autorité morale ramenée au locateur par le jugement de Me Hurlet. Même si la cession reste possible de ce côté, il m’apparaît indéniable que tout locateur doit être vu comme «la responsabilité morale et éthique» devant faire respecter l’intégrité domiciliaire.

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[1] "Un locataire peut-il céder son bail à qui lui plaît? Non, dit la Régie", Le Devoir, 16 août 2002.
[2] "Lettre à la présidente de la Régie du logement", Visions Voisins, vol. 8, no 2, 28 mars 2001.
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Publié dans Visions Voisins, vol. 9, no 8, octobre 2002.

mardi 27 août 2002

Les Cents premiers jours d’un président

Lettre ouverte envoyé à Monsieur Michel Sawyer
Président national du Syndicat de la Fonction Publique du Québec (S.F.P.Q.)


Monsieur le Président,

J’ai pris connaissance tant de votre éditorial intitulé «Les cents premiers jours» que de l’interview portant sur «Les défis» qui sont vôtres comme président du S.F.P.Q. (Journal du Syndicat de la Fonction Publique du Québec, juin 2002).

vendredi 21 juin 2002

Les violences en logements et le chaînon manquant que voudra la Justice

Depuis la Marche mondiale des femmes, avec la sociologue Normande Vasil, auteure de l’essai faisant le procès des violences entre Nature et Culture1, je travaille sur le terrain des violences en logements dans un but éthique et politique. Il s’agit de violences qui dépassent le profil reconnu «chicanes de voisinage» pour verser dans les rapports de forces englobant le harcèlement sévère (moral – psychologique – physique) envers des femmes seules. Les ateliers et conférences tentent de briser l’isolement de la victime tout en favorisant l’expression d’une problématique où se recoupent violences personnelles et collectives.

Les ateliers pourraient conduire à une publication collective, voire même à un vidéo. L’un et l’autre auraient le mérite de sensibiliser l’opinion publique quant à des violences cachées et extrêmes, lesquelles peuvent se développer en dehors de toute culpabilité compte tenu de l’éradication des valeurs. Ces violences sont inquiétantes pour la paix du territoire domiciliaire. D’autant plus inquiétantes que pratiquées par des hommes et femmes éduqués s’aventurant vers le terrorisme caché dans un transfert des violences à partir de sous-locations.

Dans ces violences extrêmes, toute femme a cherché de l’aide pour se voir confrontée à l’indifférence ou au mutisme prudent. Ce qui ramène la victime aux rapports de forces à travers harcèlement (psychologique – moral - physique). Certaines agressions obligent à l’hospitalisation aux soins intensifs. Malgré les coups physiques, le parjure aura raison de la victime.

Les profils d’agressions évoluent avec les nouvelles technologies. Ainsi, on remarque l’apparition des «armes légères» comme outils d’agressions sur les victimes isolées. A l’encontre du revolver, lequel tue et laisse des traces de sang, l’arme légère permet des décharges de voltage sur la victime venant créer des répercussions sérieuses sur le physique. A preuve: l’arsenal des policiers lors du Sommet des Amériques et qui englobait des fusils à voltage leur permettant un contrôle efficace sans trace d’agression sur la personne A preuve, l’utilisation de fusils à voltage lorsque les policiers ont voulu déloger les squatters sans laisser de trace d’agression physique tout en maîtrisant les récalcitrants.

De fait, il s’agit là de quelques faits isolés mais on peut voir que les policiers utilisent ponctuellement les armes légères. Par contre, les journaux traitent le sujet dans un style laconique. Même si les photographies peuvent établir la preuve d’agression (squatter renversé par la décharge de l’arme légère) le journal n’a pas véritablement informé l’opinion publique.

dimanche 9 juin 2002

Lettre ouverte adressée à Mme Viviane Barbot, présidente de la F.F.Q.

Madame la présidente,

L’assemblée générale de juin 2002 nous aura fait voir les forces et faiblesses de la Fédération des Femmes du Québec (F.F.Q.). D’une part, les forces d’un organisme capable de traverser “la crise de l’après-Marche mondiale des femmes” dans la transparence. Ce qui renvoie au sentier de réflexion et non au lieu de “règlements de comptes” entre différentes allégeances du féminisme.

samedi 8 juin 2002

Lettre ouverte à Nathalie Rochefort - Députée

Lettre ouverte   (publiée dans le Journal Visions-Voisins - Vol 9, no 5,  juin 2002)
Montréal, le 12 mai 2002

Madame la Députée Nathalie Rochefort
Circonscription Mercier du Plateau Mont-Royal

Madame la députée,
Lors de notre rencontre d’avril, alors que vous étiez parmi l’audience de l’événement poétique organisé par le journal Visions Voisins, nous avons longuement discuté de violences envers les femmes.  J’ai été touchée par votre intérêt.  Toutefois, avant de répondre à votre invitation, j’ai voulu préparer un dossier conséquent afin d’ouvrir sur mes attentes politiques. Le dossier englobe tant mes publications que les démarches et correspondances envers les personnalités politiques et juridiques.

mardi 4 juin 2002

Syndicalisme et capital : Deux visions des droits

Par : Jeanne Gagnon

Publié dans le Journal Visions-Voisins / Vol. 9 – No 5  (Juin 2002)

En quelques siècles, le monde a traversé deux révolutions du travail. Tout d’abord, la révolution industrielle, soit celle que Toynbee situait entre 1760 et 1830 ou dans la foulée de l’implantation massive de l’usine. [i] Cette révolution s’était développée spontanément pour se voir propulsée et orientée par le capital.

La seconde révolution émerge du dernier quart de siècle, et malgré ce qui semble libre évolution, il existe des contraintes qui viennent de confrontations entre le capital marchand et le capital humain.  Toutefois, malgré les droits acquis du syndicalisme, voire malgré l’enchâssement des droits dans les traités européens [ii], la partie n’est pas gagnée.  A preuve : plusieurs pays signalent à la face du monde des reculs d’importance quant aux droits du travail. A preuve : le gouvernement Berlusconi ayant introduit une série de modifications au code du travail visant à remettre en cause les acquis sociaux et à réduire le poids politique des syndicats. [iii]  A preuve, toute cette littérature démontrant que les gouvernements et les populations sont en train de perdre tout contrôle sur la mondialisation et comment celle-ci entraîne dans son sillage un cortège de pauvreté, de conditions de travail et de vie abominables, d’enfants au travail, de travail forcé et d’exploitation des femmes. [iv]

On le sait, la révolution industrielle a laissé des meurtrissures dans les annales par rapport à l’absence d’orientation. En voici un premier exemple éloquent :  « Une foi aveugle dans le progrès spontané s’était emparée des esprits (…). Les effets que celui-ci eut sur la vie des gens dépassèrent en horreur toute description.  Au vrai, la société aurait été anéantie, n’eussent été les contre-mouvements protecteurs qui sont venus amortir les mécanismes autodestructeurs. » [v]  Le deuxième exemple est tiré du folklore anglais de l’époque, lequel rend l’image de l’exploitation entre drapiers et artisans : [vi]

« De tous les métiers qui s’exercent en Angleterre il n’en est pas un qui nourrisse son homme plus grassement que le nôtre. Grâce à notre commerce, nous sommes aussi bien mis que des chevaliers. Nous sommes gens de loisir, et menons joyeuse vie.

Nous amassons des trésors, nous gagnons de grandes richesses à  force de dépouiller et de pressurer les pauvres gens.  C’est ainsi que nous emplissons notre bourse, non sans nous attirer plus d’une malédiction.

C’ est ainsi que nous acquérons notre argent et nos terres, grâce à de pauvres gens qui travaillent soir et matin. S’ils n’étaient pas là pour peiner de toutes leurs forces, nous pourrions aller nous pendre sans autre forme de procès. C’est grâce à leur travail que nous emplissons notre bourse.  Non sans essuyer plus d’une malédiction. » 

Nous sommes engagés dans une mutation radicale du travail.  Ceci se manifeste en accéléré depuis quelques décades par les fermetures d’entreprises, par la multiplication des travailleurs autonomes, par la précarité de l’emploi, par la polymorphie des stages et/ou mesures d’employabilité.  A l’image de la précédente révolution, le phénomène est présenté par le capital comme un progrès incontournable destiné à faire le bonheur des humains.  Mais, ce qui aura manqué à la précédente révolution pourrait jouer en faveur du présent siècle. Je rappelle les acquis de la Charte des droits, de même ceux du syndicalisme et du contrat social. Toujours dans l’optique d’un contrat social devant normalement tenir compte d’obligations qui sont relatées dans certaines revues de droits et qui font référence aux solidarités s’organisant au sein d’une même communauté et à laquelle les membres s’identifient afin d’orienter le contenu du contrat social. [vii] 

En lisant Marx et Mantoux, on constate que la révolution industrielle confrontait quotidiennement à la mort sur les lieux du travail. Tant par l’absence de droits que par la mort au quotidien, on peut reconnaître l’absence de compassion face à ces modèles de violence outrancière. Je donnerai pour exemple la mort de Mary-Anne Walkley et l’étonnement de sa supérieure – Dame Élise – découvrant l’ouvrage non achevé (il ne restait qu’un point à donner à sa broderie), alors que l’ouvrage était destiné à la Princesse de Galles. La mort avait eu raison sur la production ou l’inverse…[viii]

A notre époque, violences et absence de compassion se font plus dérangeantes. Il faut reconnaître que la violence continue de s’afficher au travail. Elle inquiète quand un pays comme la France confesse l’alourdissement des cas pathologiques ramenant à la mal-vie (dépressions et troubles physiques) et des morts quotidiennes au travail. [ix]

Rappelons que le discours du capital sur la production n’a rien du profil de la violence, ni même du profil tayloriste, bien que ce discours soit orienté vers l’accélération de la cadence de production par un vocabulaire plus hypocrite. Car, tant la responsabilisation que l’annualisation des échéanciers sont en dehors du pouvoir de la base. Parallèlement, en plus des échéanciers, la production est affichée dans un profil ISO invitant à mettre la barre qualité toujours plus haute…tout en répondant à la cadence de production dans ses échéanciers. Il me semble que ce qui apparaît susceptible de servir la production peut aussi servir la violence et l’aliénation au travail.

La force du Capital disait Hubert Marcuse est dans l’uniformisation économico-technique non terroriste, tout en fonctionnant par la manipulation. Admettons toutefois que la vision statistique du Capital et celle du Syndicalisme ne sauraient puiser aux mêmes sources…Cela dit en tenant compte que les valeurs du travail et de la production méritent d’être repensées dans une vision élargie.

Cela dit en tenant compte de la nécessité de l’évolution du contrat social sans oublier les paroles d’Engels, à savoir : « le capital ne se soucie nullement de la santé ni de la vie de l’ouvrier à moins d’y être forcé par la société ». [x]


[i] La révolution industrielle au XVIIIe siècle de Paul Mantoux – Éditions Guérin, p. 21.
[ii] L’objectif :  un syndicalisme sans frontières (Recto Verso – janvier/février 2002, p. 24)
[iii]  L’Italie poursuit son  inquiétante dérive – Journal Métro, 8 mai 2002, p. 10
[iv]  Confédération internationale des syndicats libres (CISL), 26 mars 2002
[v]  La grande transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, Paris, 1983, pp. 111-112
[vi]  Il s’agit d’un long fragment d’une pièce folklorique publiée dans : La révolution industrielle au XVIIIe siècle de Paul Mantoux – Éditions Genin, pp. 58-59).
[vii]  Pouvoir normatif et protection sociale (pp. 137-169) auteure : Johanne Poirier Revue canadienne Droit et Société (Volume 16, no 2, 2001).
[viii]  Le Capital – Marx – Éditions Garnier-Flammarion (1969) (page 194)
[ix]  Retour de la mal-vie (Le Monde diplomatique – décembre 2001 – Enquête de Martine Bulard)
[x]  Sur le Capital de Marx (page 116) Éditions du Progrès – Moscou – 1975.

vendredi 15 mars 2002

Lettre ouverte adressée à Monsieur Michel Sawyer

Monsieur Michel Sawyer
Président national du Syndicat de la Fonction Publique du Québec (S.F.P.Q.)


Monsieur le Président,

Il y a quelques jours, la nouvelle de votre élection au poste de président national m’est apparue signe précurseur d’un virage! Toutefois, seule l’Histoire pourra mesurer s’il y a eu virage ou seulement changement de cap fortuit.

vendredi 22 février 2002

Le discours humaniste et la fête des femmes

Publié dans Visions-Voisins (Vol 9, no 2 – 22 février 2002) 

La fibre humaine étant intimement liée aux passions et violences, l’individu harmonisera ou renforcera ce que la nature a légué.  Un certain discours sociologique voit l’évolution de l’humain dans un rapport de forces partagées entre Nature et Culture. [1]  A partir de cet énoncé, on pourrait penser que ce qui libèrera l’humain et l’humanité passera par le contrat social dont parlent Rousseau et Hobbes, sinon par une refonte de l’humanisme.  Cela dit en reconnaissant que ni la Nature, ni la Culture ne sauraient gérer l’évolution de l’humanité dans l’équilibre.

Tout récemment, j’ai vu un film où le comportement de l’héroïne se révélait représentatif d’une lutte Nature et Culture.  Bien qu’à l’échelle de quelques personnages, l’œuvre cinématographique permettait de penser l’humanité dans sa complexité.  Je fais référence au film intitulé Le pianiste, lequel nous plonge dans un milieu représentatif de l’élite culturelle. Le rôle titre est tenu par Isabelle Huppert.  Le personnage est intéressant par les faces cachées du déséquilibre et par les incidences et convergences s’imbriquant dans la violence.  Par son comportement, la femme fait du mal tout en se perdant dans la violence. Son rapport à l’autre passe par la violence.  A la toute fin, sans pour autant laisser deviner si elle sera la seule victime, le spectateur pressent que la pianiste a opté pour l’ultime violence.  L’œuvre ne permet pas un retour sur l’enfance de la pianiste.  Tout au plus sommes-nous confrontés à la mère et ses violences en soubresauts.  L’ambigüité du rapport mère-fille est de l’ordre d’un couple sadomasochiste aux polarités interchangeables.  Il se pourrait bien que le mal d’être de l’héroïne ait plus à voir avec la Culture qu’avec la Nature, mais ceci reste de l’ordre d’un diagnostic savant.

L climat du film est dérangeant, mais il a le mérite de faire comprendre les polarités de la personne, voire les polarités de l’humanité dans ses violences et croisements politiques.  Car, pour qui veut élargir à l’échelle planétaire, pour qui veut regarder les guerres du passé et jusqu’à celles déjà là, on peut reconnaître la force des polarités entre Nature et Culture.

Le discours humaniste s’est révélé nécessaire pour l’évolution de l’humanité tout en devant constamment évoluer.  Le discours féministe en fait partie, et c’est par cet humanisme renouvelé par le féminisme qu’il nous a été donné de voir les inégalités à travers le patriarcat, mais aussi les violences cachées, sinon niées, interférant entre nature et culture.  Plus récemment, la Marche mondiale des femmes ouvrait au renouveau de ce discours humaniste.

L’importance du 8 mars est de ramener au discours féministe tout en permettant de le faire évoluer à partir de la quête du sens d’un humanisme en évolution à travers hommes et femmes.  Car, depuis cette Marche mondiale des femmes, laquelle a permis un affinement des consciences politiques, des solidarités nouvelles permettent des jalons qui voudront refonder l’humanisme dans l’égalité.  Mais encore faut-il mettre les jalons et des mots sur ce qui peut refonder l’humanisme d’un troisième millénaire.





[1]  J’accuse la violence, Essai de Normande Vasil, Éditions JCL.

mercredi 6 février 2002

Lettre ouverte à Madame Viviane Barbot – Présidente de la FFQ

Montréal, le 6 février 20002

Madame la Présidente Viviane Barbot 
FFQ
110 rue Ste Thérèse
Montréal (Québec)  
H2Y 1E6

Objet :  La FFQ et les batailles de la prochaine décade

jeudi 17 janvier 2002

L’émancipation et la longue marche vers l’égalité

Depuis les événements du 11 septembre 2001, il m’a semblé redécouvrir la vérité cachée d’un adage voulant que «Nul humain ne se sauve sans sauver tous les hommes». Sans pouvoir remonter aux origines de la maxime, chaque fois qu’elle était énoncée ou ramenée à mon esprit, j’y voyais un idéal spirituel. Il m’aura fallu la catastrophe de l’automne 2001 pour comprendre que l’adage n’est en rien spirituel mais réaliste et porteur de la vérité du destin humain.

Voilà pourquoi Hobbes a pensé que : «chacun voulant sa sécurité, il faut un pouvoir fort qui empêche l’homme d’être un loup pour l’homme».[1] A sa façon, Hobbes ramenait à la concertation autour du sens commun, c’est-à-dire autour d’un bien général profitable à toute la communauté humaine. D’ailleurs, il m’apparaît que le mythe originel de la concertation pourrait se rattacher à l’Homme des cavernes.

Il est reconnu que l’ordre n’est pas naturel et c’est Rousseau qui le dit. Il s’agit néanmoins d’un droit sacré fondé sur des conventions.[2] L’humanité a évolué à travers les violences tout en revenant à l’ordre par l’organisation sociale. La science a contribué à l’ordre, mais avec le temps, elle confronte à des points de non-retour. Bref, certains choix humains peuvent jouer contre l’évolution de l’humanité, puisque nous sommes arrivés à un stade où l’outil peut exterminer l’homme. Avec certains philosophes, on admettra que ce n’est pas la science qui est le danger mais l’humain dans sa fragilité. Nayla Farouki ajoute ce qui suit : «l’humain est un être faillible et fragile. Il oscille toujours entre le bien et le mal. (…) Et là où l’humain devient dangereux, c’est lorsqu’il est en possession d’un outil qu’il peut utiliser contre les autres comme une arme. Or la science donne cette puissance.[3]

Malgré la morosité, les festivités de fins d’année sont venues. Il nous a fallu passer aux souhaits, croire aux hommes de bonne volonté, s’animer de la vertu d’espérance d’un ordre nouveau alors qu’il ne s’annonce nulle part.[4]  Pour Zaki Laidi le monde est train de vivre la crise politique de la mondialisation, crise que le drame du 11 septembre vient cristalliser. Selon lui, ne serait-ce que par rapport à l’ordre du monde, la crise politique intensifiée par le drame de l’automne 2001 nous obligera à une relecture de la mondialisation.

En ce début d’année, malgré la morosité qui règne, j’ai pensé faire ce qui m’était coutumier, à savoir renouer avec les parents et amis, offrir des vœux, répondre aux vœux, discuter de mes défis et de ceux qui manquent à l’ordre du monde.

Au fil des lectures, on remarque qu’il se trouve des hommes et des femmes de grande vaillance au sein des communautés humaines…malgré les violences. Ces personnes ont le mérite de leur foi. Il ne s’agit pas d’y voir du religieux mais plutôt la fermeté d’un humain qui a foi dans l’acte ou prolongement d’une pensée pouvant refaire l’ordre à travers le réel immédiat. Ainsi ai-je trouvé cette parole de défis résolus et orientés vers un engagement radical (…) afin de dépasser l’absurde tout en cherchant le sens»[5]

Pour ma part, je continuerai à faire avancer les projets antiviolences. Au cours de l’année, je serai particulièrement dédiée à l’évolution d’une publication collective sur les violences en logements. Pour l’instant, il s’agit d’ouvrir à la préparation de cette publication, laquelle s’articulera autour d’un récit personnalisé par toute victime. Chaque récit servira de matière à l’élaboration d’une réflexion politique imageant le vide juridique et déstabilisateur de la liberté quand il y a rapport de forces par les violences.

La réflexion politique englobera les modèles sociaux, à savoir les modèles d’autonomie que sous-tend l’évolution des femmes à travers plus de vingt-cinq ans de féminisme. On verra que malgré les modèles d’émancipation vers l’autonomie, la violence demeure un problème pour la cité démocratique. Car, l’émancipation de la femme est fortement menacée de déstabilisation par de nouveaux rapports de forces. Il s’agit de violences multiformes n’ayant aucun lien avec un mari ou ex-mari, ni avec l’amant ou l’ex-amant, mais bien d’une violence pratiquée dans une visée de domination sur la victime. La violation du territoire s’exerce sous divers modèles. Ces violences (psychologiques-physiques-économiques) visent l’expulsion. Cette publication collective permettra également d’ouvrir sur les profils agresseurs-agressions-outils tout en faisant les liens avec le Code civil.

Il sera largement question des technologies. A ce jour, peu d’information circule sur le sujet. Et pourtant, on constate par les journaux que des civils utilisent les armes légères. [6]  Il en est de même pour les policiers qui, dans l’exercice de leurs fonctions, vont terrasser des civils avec les armes légères sans que les journaux ne traitent le sujet autrement que comme matière à information.[7] En résumé, la vulgarisation auprès du grand public est inexistante.

Afficher la violence tout en s’affirmant :
Indubitablement, toute publication est l’affirmation d’une identité. La publication sur les violences en logements s’avère affirmation de l’identité citoyenne tout en étant une volonté politique autour de l’égalité citoyenne.

Par contre, le rapprochement avec le féminisme politique est de l’ordre d’ une intention qui va plus loin. Cela dit en tenant compte que la cité, tant pour l’ordre social que pour la concertation, a besoin du porte-voix du féminisme. En s’arrimant sur le porte-voix du féminisme, le collectif arrive à rejoindre la majorité des femmes. Ce qui permet d’amener la vérité de l’adage dans ce qu’il a de profonde vérité, à savoir que l’humain ne saurait se sauver seul.  Le dépassement de la violence ne veut pas la fuite. Quand bien même tous les civils de New York quitteraient la ville…ils n’auraient rien résolu du problème. Quant aux violences en logements, la femme qui accepte l’expulsion en croyant trouver la paix dans un autre quartier ne fait que différer le problème. Dans l’un et l’autre cas, il y s’y trouve le repli dans l’individualisme, alors que la concertation permet de fonder le bien commun. Ce que représente bien l’adage si je le transpose comme suit : «Nulle femme ne saurait se sauver sans sauver toutes les femmes» .

Depuis le début, j’ai reconnu dans ce combat qui fut le mien , celui de toutes les femmes. Voilà pourquoi l’évolution normale est que le porte-voix du féminisme favorise la concertation pour l’égalité citoyenne. A ce moment, le dossier devient politique et dans le prisme d’autres valeurs, là où la cité démocratique prépare l’ordre du monde et l’égalité des hommes et des femmes.


Copies conformes envoyées à: 
Présidente de la Fédération des femmes du Québec, Ministre de la Justice du Québec, Ministre de la Justice du Canada et Présidente de la Régie du logement.


[1] ROUSSEAU, Jean-Jacques, Le contrat social, p. 17.
[2] Op.cit., p. 41.
[3] FAROUKI, Nayla, «Qui a peur de la science? C’est de l’homme dont il faut se méfier», Le Devoir, 24 déc. 2001.
[4] LAIDI, Zaki, «Le nouvel équilibre mondial espéré n’émergera pas des ruines du 11 septembre», Le Devoir, 4 janvier 2002.
[5] GIGUERE, Joseph, «Souhaits pour 2002 : que l’humanité devienne une grande famille», Le Devoir, 7 janvier 2002.
[6] «Lettre ouverte à la Ministre de la Justice du Canada», Visions Voisins, vol. 8, no 3, 30 avril 2001.
[7] «La Ville trouve finalement son prétexte», Le Devoir, 4 octobre 2001.


Publié dans Visions Voisins, vol. 9, no 1, 1 février 2002.