vendredi 15 mars 2002

Lettre ouverte adressée à Monsieur Michel Sawyer

Monsieur Michel Sawyer
Président national du Syndicat de la Fonction Publique du Québec (S.F.P.Q.)


Monsieur le Président,

Il y a quelques jours, la nouvelle de votre élection au poste de président national m’est apparue signe précurseur d’un virage! Toutefois, seule l’Histoire pourra mesurer s’il y a eu virage ou seulement changement de cap fortuit.


Imprégnée par le militantisme de terrain de ces dernières années, je suis à même de reconnaître en vous l’homme de charisme qui, malgré le statut, reste capable de liens avec sa base. Il s’agit de qualités majeures pouvant servir les défis de ce que j’anticipe «virage». Ces qualités font de vous un président national fort de son charisme, fort de ses alliances avec la base et de même fort de la connaissance d’erreurs de parcours au sein du Syndicat des fonctionnaires du Québec. Parmi ces erreurs de parcours : l’énorme fossé entre pyramide et base. Ne serait-ce que pour cette seule réalité, celle-ci exigera beaucoup de vous et du nouvel exécutif national, car le nivellement d’un tel fossé ne peut se faire par un rattrapage artificiel. Indubitablement, toute l’approche tactique est à repenser, car à ce jour, on a cultivé des liens artificiels avec la base.

A l’exemple des nécessités de l’heure faisant partie des grands dossiers du S.F.P.Q., on devra continuer de travailler sur des thèmes comme «Une fonction publique forte et démocratique»; également sur la révision de la classification et mutations du travail, sur les conséquences de l’imputabilité, conséquences pouvant déboucher sur des violences masquées par le nouveau langage.

En même temps, tout ceci doit s’aligner à l’intérieur de défis sociopolitiques où la base devient capable de se reconnaître comme individu et membre d’une société en mutation. De grandes alliances intersyndicales pourraient venir en compte.
Autrement, le président national continuera de jouer au chef d’orchestre par-delà le fossé tout en courtisant sa base lors de moments stratégiques, justement parce que dans l’obligation de cautionner les mandats. Sinon pour le haranguer… rien de plus. L’exemple le plus récent de ce discours artificiel sous la houlette présidentielle ramène à l’éditorial de Monsieur Thibodeau, de même qu’au compte rendu de Guy Parenteau quant au colloque d’octobre dernier portant sur la thématique «Pour une fonction publique forte et démocratique». D’un côté, le discours d’un président s’adressant à la base au-dessus du fossé et dont voici le propos : «Bien entendu, il y a toujours de la place au sein même de notre structure syndicale pour celles et ceux qui souhaitent s’impliquer plus activement. (…) Si nous pouvons compter sur la solidarité et la mobilisation de nos membres, il est certain que cela aura une influence sur l’issue de la prochaine négociation et sur les gains que nous ferons ou non.[1] Quant au compte rendu du colloque j’estime qu’il a occulté la base… alors qu’elle s’est exprimée d’emblée.

Certes, le militantisme de terrain peut souvent confronter à la parole artificielle d’une structure, mais il faut éviter qu’elle s’implante comme une force politique. Au sein d’une structure comme le syndicat, elle servira les lieux de pouvoir, donc le pouvoir des plates-formes exécutives (locales-régionales-nationale).

Mon rôle de membre dirigeant au sein d’un exécutif local m’aura informée de toutes ces tactiques qui de politiques deviennent «politicailleries». Le véritable syndicalisme m'apparaît ailleurs. Néanmoins, il faut savoir que le pouvoir des politicailleries gagne trop souvent sur la démocratie!

En terminant, je vous présente mes vœux sincères pour cette élection comme président national. Cela dit, tout en vous rappelant à l’espoir d’un virage! Puisse votre charisme profiter au nivellement du fossé tout en orientant les défis du S.F.P.Q. vers des alliances profitables à l’avenir du syndicalisme.



[1] «Éditorial du président», Journal du Syndicat de la fonction publique du Québec, vol. 39, no 4, décembre 2001.



Lettre ouverte publiée dans Visions Voisins, vol. 9, no 3, avril 2002.

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