
Montréal, le 6 décembre 1996
Bonjour Gaston Miron,
Mardi dernier, lors du lancement de la
revue Possibles à l’UNEEQ, j’ai appris le combat qui se joue
entre vous et la maladie.
Votre combat m’interpelle
terriblement. Je connais un peu le « lessivage » que
provoque les bombardements cellulaires par la chimiothérapie. Le
sang qui cherche à se renouveler dans la bagarre entre globules
rouges et blancs. La faiblesse du corps à travers nausées. Les
forces physiques partagées entre résistance et abandon d’un corps
brûlé par la thérapie.
Que puis-je dire …sinon combien je
suis profondément troublée. L’écho des antagonismes de ce
combat vital nous poursuit depuis mardi dernier! L’Homme
agonique récité par Andrée Feretti nous a rappelés aux
mémoires. Comme un grand écho sur l’espace-temps humain, votre
voix si prégnante malgré le timbre. Comme une résonance sourde,
cette voix m’emportait dans la conscience du Je des années 1970,
quand atteint dans sa solitude par l’Homme rapaillé.
Il vous faut croire à l’ouverture
que cette voix a laissée partout… L’aveu mérite d’aller plus
loin en témoignant personnellement de faits. Dans nos vies, on
reconnaît les moments marquants à l’entaille sur le temps de la
conscience. L’Homme rapaillé en fut! De même la décade
qui suivit. Tout en m’initiant au leadership dans « L’Agora »
de l’écriture, j’éprouvais ma vision du monde entre concepts et
concepteurs. Entre l’écrit et l’acte.
Vous étiez de ces débats. Jamais
passif et toujours capable d’ouverture. Votre voix, toujours un
cran au-dessus des « chapelles ». Plus encore, les voix
insulaires pouvaient vous approcher et vivre le rapport
d’interlocuteur avec L’Homme rapaillé. Ce qui m’apparaît
l’essence même de la liberté! Pour tout cela, je vous remercie.
Ce qui m’en reste : une façon
de voir la solitude au sein du collectif et malgré l’appartenance:
l’éternelle solitude humaine. Aussi le lien entre lutte et vie.
Bon courage dans la lutte!
Jeanne Gagnon
Aucun commentaire:
Publier un commentaire