vendredi 30 avril 2004

Lettre ouverte à Christian Desmeules - Journal Le Devoir

Lettre à Christian Desmeules
Journal Le Devoir
(Lettre ouverte datée du 30 avril 2004 - non publiée)

OBJET:   Votre article intitulé "Miron, moi et je - Édition Le Devoir -  27 mars 2004

Monsieur,

Votre article du 27 mars m'a interpellée à différents égards, plus spécifiquement dans les symbolismes que représentent  pouvoir/impouvoir dans l'authenticité d'un langage. J'ai hésité longtemps avant de vous faire part de mes commentaires.


Comme d'autres, il me reste des souvenirs de la force langagière du poète Gaston Miron, d'abord à travers l’œuvre,  mais aussi pour l'avoir approché d'assez près, tant pour l'interviewer (pièce jointe)  que lors de rassemblements d'écrivains.  L'homme restait un personnage, même lors de rencontres à l'Union des écrivains.  Par contre, ce qui émergeait  venait de l'absence d'artifice d'une parole ramenant les discussions et intervenants au coeur des symboles.

Votre article m'a fait reculer loin dans le temps, puisque me ramenant  en 1985 et à ces heures privilégiées d'une interview du poète.   C'était à la résidence de Miron.  Il se promenait de long en large dans l'espace, sortait des livres de sa bibliothèque, répondait en même temps  à mes questions et questionnements.    Je me souviens avoir parlé du pouvoir des tribunes.  Ce qui nous aura amenés à parler de Jean Royer.  J'ai souvenance de sa phrase du moment  où il démontrait avec force n'avoir cure des tribunes, tout en associant sa réflexion à  cette tribune que lui donnait  épisodiquement Jean Royer dans les pages du Devoir.  Ce qui me reste en mémoire demeure souvenir inaltérable, à travers la résonance de la voix mironienne,  forte et sans artifice. Et il prononça ces mots d'un air courroucé: "j'ai dit à Royer, pourquoi ces articles sur moi...je n'ai pas besoin de toi".  Et Miron de me donner la réponse qui lui était venue par  Royer disant: "j'aime parler de toi"!   Les mots prononcés furent suivis d'un soupir et d'un très long silence!    Puis, il ajouta, dans cette même voix courroucée:  "Vous les marginaux du RAEA, faites ce que vous avez à faire et cesser de regarder vers les tribunes!"

Néanmoins,  vint le moment d'une nécessité, à savoir le sabordement du collectif des auteurs-éditeurs autonomes (RAEA). Moment d'un bilan où je suis revenue sur le parti-pris de  tribunes.   Ce qui visait plus particulièrement l'absence d'ouverture de Jean Royer au journal Le Devoir.  D'autant plus que l'homme se proclamait ouvert à toutes les tendances dans les pages du Monde diplomatique (Le Monde – juin 1984 et   Moebius  no 42 - 1989 – pièce jointe).  

Voilà ce qui m'importe de ramener à l'heure de la remontée de souvenirs lointains.  Tout en permettant d'y associer le legs précieux de l'authenticité de Miron!   Et pourtant,  malgré les souvenirs qui s'agitent par  ce Voyage en Mironie...je m'interroge sur les distinctions dont  Jean Royer pourrait nous priver!   Ce qui vous faisait dire dans Le Devoir du 27 mars 2004 intitulé Miron, moi et je:  "C'est lui qui tient la plume, et c'est la part de mystère qu'il s'autorise." 


Jeanne Gagnon
Écrivaine

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