dimanche 13 mars 2011

Ruelles vertes et politique d’éducation au développement durable

Chantier citoyen et développement durable
(Extrait d'un livre encore inédit - rédigé entre 2007-2008 - révision pour le blogue - mars 2011)

Le passage de ruelle traditionnelle à ruelle verte n’est pas sans introduire un voyage dans le temps à cause du changement de culture! Dire que la traversée s’effectue dans l’ordre d’un calendrier réglé comme du papier à musique serait nier les mues d’un ensemencement qui provoque à un autre art de vivre! Il est dans l’ordre des choses que remous et affrontements fassent partie d’un renouvellement du design urbain. La ruelle Modigliani n’y a pas échappé!



Il fallut deux ans d’un militantisme actif pour passer du projet à l’ensemencement, lequel eut lieu à l’été 2000. La nouvelle culture se fit palpable par l’éclosion d’une végétation pour devenir culturelle par les nouvelles habitudes de vie et le partage de défis avec un noyau militant. Même s’il faut reconnaître que le militantisme reste précaire et les défis inachevés!


Si la ruelle Modigliani devait s’engager vers des défis environnementaux, ce serait à l’intérieur du grand concept «développement durable». Pour cela, il faudrait introduire de nouvelles alliances afin d’implanter une vision commune et cimenter les défis du forum citoyen, favoriser la diffusion de consignes par les structures. Ce qui veut dire plan d’actions et défis amenés par la Ville centre et le conseil d’arrondissement du Plateau Mont-Royal. Ce qui veut dire déploiement des interrelations organisationnelles, évolution de l’organigramme, évolution du programme Eco-quartier et ses mandats. Ce qui pourrait aller jusqu’à l’introduction d’alliances entre propriétaires et locataires en regard d’une perspective citoyenne visant le partage de responsabilités d’une ruelle verte, voire de son évolution vers les défis débouchant sur l’environnement.


Ma publication fait voir les difficultés du passage de ruelle utilitaire à ruelle verte, de même la fragilité de ce qui peut sembler acquis pérenne. Je l’avoue en toute candeur: malgré les gains sur le plan des habitudes de vie et de défis liés au verdissement, la nouvelle culture du territoire m’apparaît sans enracinement.


Des statistiques informent de la perte du couvert végétal de 7 km par an. A ce rythme, le couvert végétal de Montréal est menacé de disparition d’ici 2029. Ce qui donne encore plus d’importance aux concepts de verdissement. Si Montréal possède un potentiel de 4,300 ruelles…toutes ne sont pas vertes. Le défi sera de créer la grille de sélection à partir qui doivent tenir conte du consentement des riverains-riveraines. Cela dit en admettant que toutes les ruelles n’ont pas le potentiel de conversion. Mais celles qui ont fait le passage ont généré « un apport végétal de 18% entre 1998 et 2005». [1]

A l’image de certaines villes de France qui se sont dotées d’un Agenda 21, on constate que Montréal a son Plan de développement durable adopté par le Conseil exécutif depuis le 20 avril 2005. Ce plan serait vraisemblablement en mesure de définir des stratégies liées à l’Agenda 21 quant à l’environnement et à l’éducation des citoyens-citoyennes. [2]

Jusqu’à maintenant ce plan d’actions révèle des jalons propres à l’éducation, sans pour autant y associer l’enracinement d’une éducation «terrain». Cela dit en faisant référence aux grandes étapes du Plan[3] dont les principes directeurs énoncés n’ont pu introduire à des chantiers citoyens qui soient révélateurs d’un lien de conservation, voire en lien avec l’Agenda 21 local.

Ce qui laisse penser que l’éducation «terrain» de la ruelle verte reste à inventer. Plus encore, pour peu que la Ville Centre et les conseils d’arrondissement ouvrent à des remaniements de l’organigramme, on pourrait faire surgir des transformations de mandats pour le Programme Eco-quartier et voir apparaître quelques liens avec l’Agenda 21, là où le seul principe de «précaution» se fera plus évident[4] du local/global. En avril et juillet, la séance du Conseil d’arrondissement nous permettait de voir qu’il y a réflexion visant l’évolution du mandat d’Eco-quartier.

Ce principe de précaution n’est pas qu’un mot, il a ses assises. Que signifie-t-il? Ce principe figure au nombre des principes fondamentaux retenus par la Déclaration finale du Sommet de la Terre à Rio en 1992. (…). C’est avant toutes choses un principe d’action qui nous incite, face à des dommages potentiels graves, voire gravissimes, et ce dans un contexte d’incertitude scientifique, à pr`venir le danger sans attendre d’avoir levé cette incertitude. Il y a donc au moins deux conditions à la mise en œuvre de ce principe. La première est la gravité présumée du risque. La seconde est l’incertitude scientifique qui affecte l’appréhension du risque. (…). Il s’agit, avec le principe de précaution, non de s’opposer au progrès technique, mais de l’apprécier au cas par cas, en fonction des avantages réels qu’il est censé fournir au corps social.»[5]

Indubitablement, il me semble que le sentier de la ruelle verte possède tout ce qu’il faut pour faire intervenir «partage des savoirs» et «partage des responsabilités». Cela dit, tout en introduisant à l’espace du dialogue dont parle Fernand Dumont en disant que de l’anonymat surgit l’espace du dialogue pour y faire apparaître la conscience collective.[6] C’était, avant l’heure, évoquer la démocratie participative. La ruelle verte offre les référents dont parle l’éminent sociologue à savoir l’espace anonyme et la conscience collective.

Rien de plus anonyme qu’une ruelle avant le passage vers la culture du verdissement! En ce lieu anonyme, à travers corvées et ensemencement, j’ai vu naître l’embryonnaire forum citoyen!

Cette publication portant sur les ruelles vertes, je la voulais de l’ordre d’un témoignage «terrain» greffé à une démarche citoyenne dont j’ignorais l’ampleur des défis. Invitée à la participation à travers une vision réductrice de la ruelle verte, je ne pouvais imaginer que les défis politiques allaient remettre en question ma vision du chantier citoyen et de la ruelle verte.

On ne pourra que remarquer les nombreux renvois. Ce sont des références qui, au fil du temps, ont permis à ma réflexion de s’affiner tout en faisant la démonstration du double rapport «terrain» et «environnementaliste» d’une réflexion citoyenne sur les ruelles vertes.

La géographie du Plateau Mont-Royal représente l’étendue de 53 kilomètres en ruelles.7 Dans le contexte du Plan de développement durable et du Plan d’urbanisme, tout projet débouchant sur le verdissement d’une ruelle où son réaménagement en ruelle verte est un investissement venant se greffer au plan d’immobilisation. A la boussole du Plan de Développement durable et du Plan d’urbanisme, les immobilisations sont représentées par le programme triennal d’Immobilisation ou PTI selon le langage propre aux fonctionnaires. Le budget participatif du Plateau Mont-Royal tente de nous introduire aux différences entre budget de fonctionnement et budget d’immobilisation. Le budget citoyen est lié au PTI à savoir relatif au budget d’immobilisation.

Tout verdissement sert tant le Plan de développement durable que le Plan d’urbanisme. A l’arrivée du Plan d’urbanisme Raquel Penalosa avait perçu le plan à l’image d’une boussole: «A mon avis, le Plan d’urbanisme est une sorte de guide (…). De la vigilance, il en faudra car les enjeux sont grands: ils impliquent un changement très prononcé des mentalités, un véritable virage vert et une concertation de tous les instants.»8 Plus récemment, André Lavallée, responsable de l’aménagement urbain de Montréal disait: «le Plan d’urbanisme de Montréal vient donner les balises pour le développement». Ce qui est encore le reconnaître comme guide de défis permettant de réinventer Montréal.9

Le monde diplomatique faisant référence à ce qui pourrait intervenir pour l’écoquartier (le mot fait référence ici à l’écologie au sens propre et non au programme dont il sera question tout au cours de ce livre) à travers le design urbain et les concepteurs pour peu que ces derniers «concentrent leur intelligence à concevoir des écoquartiers, non pas seulement aux normes actuelles dites de haute qualité environnementale (HQE) mais aussi à celles de «haute qualité existentielle».10 L’intérêt du propos est de nous renvoyer aux conséquences d’un plan quant à la qualité de vie des habitants.

Il n’est pas inutile de rappeler que Montréal est en retard par rapport au verdissement puisque reconnue comme la ville canadienne au plus faible ratio en espaces verts par résident avec l’offre de 1,92 hectares par 1,000 habitants quand Saint-Jean (Nouveau-Brunswick) présente un ratio de 12,9 hectares par 1,000 résidents.11 L’article fait état de l’intention politique des autorités en vue d’en doubler la superficie.

A dessein, j’insisterai sur les actifs du PTI, lesquels renvoient à du capital foncier imageant les actifs donnant un pouvoir lorsqu’un Conseil de Ville comme Montréal veut effectuer des emprunts pour l’étalement de ses projets. Si l’écriture comptable des actifs englobe les ruelles, il existe toutefois une ambiguïté quant à l’ouverture à la dépossession d’une ruelle. Ce qui n’existe pas lorsqu’on fait référence à un parc. J’en veux pour preuve le dépliant diffusé par la Ville de Montréal et qui invite les intérêts privés à faire l’acquisition d’une ruelle. Ce qui va à l’encontre du Plan de développement durable, voire même à l’encontre de l’éducation liée au développement durable.12

Les défis de la ruelle Modigliani m’auront appris l’importance de se reconnaître dans la double représentation. Ce qui a fait de ce militantisme un rapport alternant constamment entre «pratique terrain» et «pratique politique».

La double implication «terrain et politique» oblige à tenir compte de la réalité. A l’automne 1999, je me suis retrouvée devant le Maire Pierre Bourque et un parterre de journalistes. Déjà, malgré un militantisme de néophyte, je cherchais à faire apparaître les forces et faiblesses structurelles sur lesquelles s’appuyait le développement de ma ruelle verte.

Théorie et pratique étant toujours étroitement reliées, dès l’adoption du Plan d’urbanisme, j’informai le forum citoyen que représentait la population riveraine de ma ruelle verte. De même par rapport à la Commission de l’aménagement urbain et du développement durable.13 Ce partage permettait de créer l’intérêt tout en développant des solidarités autour du suivi. En voici la représentation à travers cette communication de l’été 2004:
"J’ai présenté un mémoire à la Ville de Montréal en juin, et ce, dans le cadre du Plan d’urbanisme. Si je résume autour de ce qui découle de ce mémoire, je vous ferai part du tutorat du Jardin botanique quant aux spécimens des plants d’une ruelle verte. Mon mémoire faisait ressortir l’importance d’une politique mieux définie quant au développement d’une ruelle verte et à son verdissement, notamment cette politique des toitures végétalisées déjà appliquées dans cinquante municipalités européennes."14

Je pourrais faire référence à cette autre communication où je fais part d’une aide très spéciale d’Eco Quartier, compte tenu du besoin d’un plan guide pour l’évolution de la conservation:

"Il y a quelques jours, suite à ma demande, Eco-quartier déléguait une collaboratrice pour l’identification de plantes vulgairement nommées «Consoude» afin de cerner les méthodes d’essouchement. Le travail de sélection initiatique a débuté lundi dernier. Une trentaine de spécimens furent sortis de terre. Comme il s’agissait d’une amorce, l’opération se poursuivra lors de certains week-ends et fins de journées ensoleillées. L’importance du tutorat d’Eco-quartier fut d’amener à l’identification d’un réseau et d’une technique. Et maintenant que puis-je dire, sinon que j’anticipe la collaboration lors des périodes de week-end et/ou fins d’après-midi afin de poursuivre le travail (…)."15

Le territoire de la ruelle Modigliani a vécu les forces et faiblesses d’un projet citoyen confronté à des affrontements dont l’ampleur aurait pu briser la flamme citoyenne du noyau. Finalement, les nombreuses démarches citoyennes en haut lieu firent que les îlots attaqués furent rendus à leur vocation initiale.


Conclusion

Avancer dans le temps d’une ruelle verte impose des défis concrets où les individus se reconnaissent dans la permanence de défis liés au verdissement. Et pourtant, ces défis peuvent rassembler autour de défis en porte-à-faux puisque certains le font par souci d’esthétisme quand d’autre y sont invités par un souci environnemental. L’absence de plan peut jouer contre l’évolution.
Ce qui a manqué et continue de faire carence: le plan d’actions capable d’introduire aux balises et défis de quelques quinquennats, et ce, dans une perspective éclairante, quel que soit le renouvellement des militants. Il s’agit là d’un aspect majeur des responsabilités des élus du Conseil d’arrondissement touchant à la vulgarisation des défis environnementaux à travers l’évolution des ruelles vertes.

Cette volonté politique d’une perspective touchant l’éducation par les ruelles vertes devrait inviter à des sélections plus rigoureuses. Ce qui pourrait favoriser l’enracinement de programmes «terrain» mais encore faudrait-il introduire l’idée d’un plan étalé dans le temps de quelques quinquennats.

A l’heure du départ, j’ai voulu que ma dernière communication écrite fasse état de certains irritants tout en y allant de recommandations pouvant servir l’évolution.


Recommandations

Des recommandations politiques ont été adressées à la mairesse de l’époque et à son conseil d’arrondissement. En voici quelques éléments clés:
  • Introduire des critères de sélection des ruelles vertes en introduisant l’idée de défis et quinquennats afin de mobiliser dans une vision «durable»;
  • Développer une réglementation globale pour le ramassage des vidanges aux entrées-sorties des ruelles vertes afin d’en finir avec les véhicules lourds des vidangeurs, lesquels sont dévastateurs par défaut;

Et j’y ajoutais des recommandations touchant l’évolution spécifique des programmes Ecoquartiers.

  • Que le programme Eco-quartier soit rattaché à l’Organigramme du Plan d’urbanisme ou au Développement durable;
  • Que ce programme ouvre à des ressources pour l’application d’un plan de développement-éducation-conservation;
  • Que toute ruelle verte soit considérée bien patrimonial lié au développement durable, c'est-à-dire non transférable à des intérêts privés;
  • Que le plan phare prévoit une gestion intégrée et son suivi pour le verdissement des murs-remises-toits à travers des défis consentis liés à des quinquennats.


Note supplémentaire

Ne font pas partie de l’extrait, les chapitres du livre traitant de ce qui suit– tout en y incluant photographies et références journalistiques:
  • Chapitre I
    • La ruelle verte est-elle dans la mire du développement durable
  • Chapitre II
    • Que représente le développement durable?
  • Chapitre III
    • La ruelle verte peut-elle se reconnaître de l’Agenda 21?
  • Chapitre IV
    • Contrat social ou développement sociétal?


Remerciements

Mes remerciements aux riverains-riveraines ayant servi le projet de la ruelle Modigliani à travers la participation citoyenne. En dépit d’un départ datant de plusieurs années, ma pensée reconnaissante ira à Marc Maurice, parrain de la première heure, dont l’éloignement du territoire fut ressenti comme la perte d’une antenne de développement.

Toute ma gratitude à Elsa Cardoso et à Robert Chatigny pour la permanence du soutien. Ils sont de ceux qui, par leur participation, auront influencé la culture du territoire. Leur passion de la végétation renvoyait à des conséquences tout en me donnant le sentiment d’être accompagnée de botanistes.

Le profil de notre ruelle a une dette envers quelques muralistes puisque, par la générosité et la versatilité des palettes, ces artistes ont réinventé l’équilibre de zones dont on n’attendait rien! Grâce au Christine Blanchette, C. Cardinal, Chloé, Jean-Paul Gobeil, Jérôme Tremblay, alors que d’autres perspectives artistiques s’annoncent, notre ruelle affiche déjà le panache d’un CORRIDART !

Mes remerciements à tout le personnel d’Eco-quartier pour sa disponibilité, et ce, malgré le fossé découlant d’un programme dont je dénonce les limites. De même toute ma gratitude à Jennifer Maduro, l’ex coordonnatrice des Programmes, dont le leadership se sera révélé inspirant à plus d’un égards.

Et finalement, des remerciements à Carole Gaumont de CRE-Montréal dont le programme verdissement de l’été 2007, sous le vocable «îlots de fraîcheur», et de même pour le leadership et la disponibilité exemplaires. Ce qui aura servi la revitalisation et les défis de la ruelle Modigliani tout en projetant nos défis de la dernière décennie à travers RDI. ( Référence concernant l’émission sur les ruelles vertes et l’écologie: http://www.radio-canada.ca/sedna/index.html?p=/v3/web02.php).


Jeanne Gagnon
Initiatrice de la ruelle verte Modigliani


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[1] "La verdure de Montréal en voie de disparition", Journal Métro, 20 février 2008, Montréal. 
[2] Tremblay, Solange, Développement durable – Adoption du Plan, 20 avril 2005, Presses de l’Université du Québec, pages 194-195.
[3] Tremblay, Solange, Développement durable et communications – Tableau I – Grandes étapes, Presses de l’Université du Québec, pages 194-195.
[4] Deglise, Fabien, "Sus à la morale ambiante - Entrevue avec Bruno Latour", Le Devoir, 20 mai 2008. 
[5] Bourg, Dominique, Quel avenir pour le développement durable?, Éd. Le Pommier, 2002, pp. 45-47.
[6] Dumont, Fernand, Le sort de la culture, page 101.

[7] Budget participatif 2008, Ville de Montréal, page 11.
[8] Penalosa, Raquel, Journal Plateau Mont-Royal – Jeanne-Mance – Mile End, vol. XI, no 22, 11 déc. 2004.
[9] Vallée, Pierre, "Il faut se promener à Montréal en levant la tête!", Le Devoir, 8 juin 2008, page H-2.
[10] Paquat, Thierry, "Plus haute sera la Tour", Le monde diplomatique, mars 2008, page 28.
[11] Jozsa, Alexandra et Tomalty, Ray, "Vivre en vert – Vert de jalousie", Journal Place Publique, juillet 2004, page 7.
[12] "Procédure d’acquisition de ruelles par les propriétaires des immeubles riverains", dépliant de la Ville de Montréal.
[13] "Message aux riverains-riveraines", Plan d’urbanisme et ruelles vertes, 2 janvier 2005. 
[14] Journal Métro, 27 mars 2002.
[15] "Communication diffusée aux riverains-riveraines", lettre diffusée par Jeanne Gagnon, 3 juin 2004.
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